gravure du Duc Armand-Joseph Bethune Charost en portrait de 3/4 sur papier velin

L’Émile et le Duc

Portraits

Dialogues et Entretiens

Armand-Joseph de Béthune-Charost

1ers Dialogues et Entretiens

Enfance, éducation, vie privée

Où la fiction rejoint la réalité.

Aujourd’hui, L’Émile, Meillantais, personnage fictif de « Oh Meillant », a rendez-vous avec Monseigneur le duc de Béthune-Charost.

L’É. – Monseigneur, merci de nous recevoir. Nous permets-tu de te poser quelques questions pour mieux comprendre ton parcours ? 

(Le tutoiement entre L’Émile et le duc de Béthune-Charost a toujours existé ; le duc tutoyait volontiers et ses interlocuteurs étaient invités à faire de même avec lui ; à la Cour du roi de France, il en allait autrement – NDLR).

gravure du Duc Armand-Joseph Bethune Charost en portrait de 3/4 sur papier velin
Armand-Joseph de Béthune-Charost (source : wikipedia.org)

L’É. – On sait que tu es né le 1er juillet 1738 à Versailles, et que tu as été baptisé le 5 à Notre-Dame de Versailles. Mais qui étaient tes parrain et marraine ?

B-C. – Tu me fais plaisir en les évoquant car j’ai éprouvé beaucoup d’affection pour mes parrain et marraine qui m’ont témoigné un grand amour. Ma marraine était aussi mon arrière-grand-mère, du côté maternel. Quant à mon parrain, Armand de Béthune, je lui dois énormément.

C’était mon arrière-grand-père paternel et c’est pourquoi mon premier prénom est Armand et le second Joseph. Je dois dire que je n’avais que 15 mois lorsque mon père est décédé. Alors, jusqu’à mes 9 ans, c’est mon parrain qui m’a bien pris en charge ! Hélas, le Ciel l’a rappelé en 1747 à l’âge de 84 ans.

Son curriculum est assez impressionnant. Jugez plutôt !

Il a été :

  • Lieutenant général de Picardie, 
  • Gouverneur de la ville et de la citadelle de Calais (Pas-de-Calais), 
  • Capitaine des Gardes du Corps du Roi, fait Chevalier de l’ordre du Saint-Esprit le 31 décembre 1688, 
  • Duc de Charost (3e), en Berry, 
  • Pair de France, 
  • Baron d’Ancenis (en Bretagne), 
  • Pair et président de la noblesse aux États de Bretagne, 
  • Gouverneur de la personne du Roi Louis XV, 
  • Lieutenant général des armées de Sa Majesté. 

Saint-Simon, le célèbre et redoutable chroniqueur de cette époque, le décrit ainsi :

« Son activité était toute de corps ; il était bien plus répandu que moi dans le monde, mais il savait peu et ne suivait guère ce qui s’y passait de secret et d’important. Il ignorait donc les machines de la cour, que me découvraient ma liaison avec les acteurs principaux des deux sexes, et mon application à démêler, à savoir et à suivre journellement toutes ces sortes de choses toujours curieuses, ordinairement utiles, et souvent d’un grand usage. »

Maintenant, laisse-moi ajouter une note de généalogie.

Par mon arrière-grand-père, je suis un neveu, à la 6e génération, de Maximilien de Béthune, duc de Sully, plus connu sous le nom de « Sully », conseiller et ministre du roi Henri IV, Surintendant ou Contrôleur général des finances, protestant. 

Te souviens-tu de ce qu’il répétait à l’envi ? Dis-le avec moi :

« Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée et les vrais mines et trésors du Pérou. »

Duc de SULLY (1560-1641), Économie royale (1594-1597)
Acte de baptême d’Armand-Joseph de Béthune (Archives des Yvelines, Versailles, Notre-Dame, Baptêmes 1738, vues 39 & 40/ 79)

L’Émile et le duc devisent en marchant ; ils quittent le parc du château par la poterne Sainte-Catherine et ils empruntent la rue Sainte-Catherine. Sans comprendre la signification du geste du duc, L’Émile le voit faire un toctoc avec le pommeau de sa canne, sur le portail de la grosse maison du coin.

L’É. –  Et tes grands-parents paternels ? Tu peux nous en parler ?

B-C. –  Je les ai beaucoup aimés aussi.

Parlons d’abord de celui qui a été nommé mon tuteur après le décès de mon père.

Ce grand-père-là, Paul-François de Béthune, était duc de Charost, duc d’Ancenis, maréchal de camp des armées du roi, capitaine des gardes du corps du roi, gouverneur des ville et citadelle de Calais, mousquetaire du roi, Pair de France et chevalier du Saint-Esprit. 

En 1715, le chroniqueur Saint-Simon le décrit avec une grande justesse dans le billet suivant : 

« Charost avait la naissance, la dignité, le service militaire, l’habitude de la cour, de la guerre, du grand monde où partout (sa compagnie était recherchée). Il était plein d’honneur, avait de la valeur, de la vertu, une piété de toute sa vie, à sa mode à la vérité, mais vraie, qui n’avait rien de ridicule ni d’empesé, qui n’avait pas empêché la jeune et brillante compagnie de son temps de vivre avec lui, même de le rechercher ; nulle relation particulière avec M. le duc d’Orléans, ni avec rien de ce qui lui était contraire, intimement lié, aux affaires près, avec feu MM. de Chevreuse et de Beauvilliers, mon ami particulier et ancien, enfin, ce qui faisait beaucoup, capitaine des gardes par le choix et le désir du Dauphin, père du roi futur. Ces raisons déterminèrent M. le duc d’Orléans, qui se résolut à chercher soigneusement deux sous-gouverneurs qui pussent suppléer à ce qui manquerait au gouverneur, dont la douceur et la facilité n’apporterait ni obstacle ni ombrage à l’utilité de leurs fonctions. » 

B-C. – Un détail me frappe, et tu l’auras bien compris ! En voilà un qui n’avait pas mis le bon Dieu dans sa poche ! Sa foi était solide, elle l’habitait pleinement et elle le guidait naturellement dans sa vie.

C’est le 3 avril 1709 que mon grand-père a épousé, en l’église Saint-Sulpice de Paris, Julie Christine Régine Gorge d’Entraigues.

Cette grand-mère sera dame d’honneur des cours françaises et Dame du palais de la reine Marie Lecszinska, de 1725 à 1737. Et c’est par ma grand-mère que Meillant a échu aux Béthune-Charost. 

Le frère de ma grand-mère Pierre-François Gorge d’Entraigues, duc de Fallari, a épousé la dernière des Brichanteau. Les Brichanteau se sont succédés à Meillant depuis 1577… 

Hélas, le duc de Fallari était « cinglé » et il n’a pas eu de descendance.

Mes grands-parents ont réussi à « racheter » (pour faire simple) tous les biens berrichons venant des Brichanteau : Meillant, Charenton, Mareuil (avec les forges, les bois, …).

En passant devant la boulangerie, le duc salue Julien, et le félicite pour l’excellent pâté de treuff servi hier soir au château (« enfin de la bonne cuisine, dit-il en soupirant ») !

(Le pâté de treuff désigne le « pâté de pommes de terre » dans cette partie du Boischaut).

L’É. – Et maintenant, qu’est-ce que tu peux nous dire de tes parents ?

B-C. – Comme je te l’ai déjà dit, je n’ai pas connu mon père puisque j’avais un an et trois mois lorsqu’il est mort, le 26 octobre 1739, à Fontainebleau, dans sa 21e année.

Ce décès sonna comme un coup de foudre dans un ciel serein sur toute la famille.

De mon père, on peut retenir ceci : il était duc-Pair d’Ancenis (par démission de son père), il avait acquis le régiment de Luynes Cavalerie (agrément 15 juin 1736, suite à l’achat au duc de Chevreuse, Gouverneur de Paris) et il était également capitaine d’une compagnie des Gardes du Corps du Roi (nommée depuis compagnie de Beauvau, par démission de son aïeul, duc de Charost ; serment du 9 avril 1737) ; 

Ma mère, Marthe Elisabeth de Roye de La Rochefoucauld, mademoiselle de Roucy, fut nommée dame du palais de la reine Marie Leszczynska à la mort de sa belle-mère la duchesse de Béthune (ma grand-mère), poste qu’elle occupera de 1737 à 1745. Je rapporte ici les propos du chroniqueur Luynes (t. VI, p. 378-379) :

« Il y a deux ou trois ans que Mme d’Ancenis désire extrêmement de se retirer ;  elle est dans une très grande piété ; et quoique les assujettissements de la place de dame du palais ne soient que pour huit jours en trois semaines, elle les trouvoit insupportables, surtout par rapport au cavagnole de la Reine, et encore plus aux spectacles. Elle n’alloit jamais à la comédie qu’avec la résolution de n’y rien voir ni entendre, s’il étoit possible ; elle se mettoit dans le coin d’une loge avec Mme de Rupelmonde, la belle-fille, dame du palais de la même semaine, et elles faisoient continuellement la conversation ensemble pendant toute la pièce ».

C’est ma mère qui a assuré la gestion de mes terres du Berry jusqu’à mes 17 ans.

Ma mère était la nièce du Cardinal de La Rochefoucauld (1701-1757), nommé en 1729 archevêque de Bourges, primat des Aquitaines. Il était encore Commandeur de l’Ordre du Saint-Esprit, Grand Aumônier de France et, enfin, nommé Cardinal en 1747.

L’É. – Tu t’es marié toi … ?

B-C. – J’ai épousé Louise Suzanne Edmée Martel de Fontaine le 19 février 1760. Je n’avais pas 22 ans. Hélas, mon épouse m’a été arrachée le 6 octobre 1779. 

(Edmée de Fontaine-Martel, duchesse de Charost, source : histoire-bibliophilie.blogspot.com)

L’É. – Est-ce que tu as eu des enfants ?

B-C. –  Oui, j’ai eu deux fils de ma première épouse. L’aîné est malheureusement décédé en 1765, à l’âge de 17 mois. Le second, qui se disait « prince de Béthune-Charost », a été marié à l’âge de 20 ans (en 1790) avec sa cousine à la 6e génération, Maximilienne de Béthune, descendante directe de Sully.

Mon fils, dans le temps très tourmenté de la Révolution est vu ainsi, je te laisse apprécier : 

« …cet authentique descendant du grand Sully, …, indifférent à tout idéal politique ou philosophique, fut constamment guidé par l’ambition personnelle et le goût de l’intrigue. » (Mon fils se prétendait candidat au trône de Belgique). « Sa curieuse physionomie apparait ainsi assez représentative de cette partie de la noblesse française qui ne vit d’abord dans la Révolution que l’occasion de réaliser de grandes ambitions personnelles ».

C’est assez lamentablement qu’il sera arrêté à Paris pendant la Terreur, puis guillotiné le 28 avril 1794 (9 floréal an II). Il avait 23 ans. Son couple n’a pas eu d’enfant.

Je n’ai donc plus de descendant. C’est une grande souffrance pour moi, je peux te le dire.

L’É. –  Après le décès de ta femme, est-ce que tu t’es remarié ?

B-C : le 17 février 1783, j’ai épousé en l’église Saint-Sulpice de Paris, Henriette Adélaïde Joséphine du Bouchet de Tourzel. Nous n’avons pas eu d’enfant

On la voit ci-dessous représentée par Jacques Fabien Gautier-Dagoty (source : Neil Jeffares, Dictionnary of pastellists before 1800, pastellists.com)

(À la mort de B-C, Henriette Adélaïde Joséphine devient l’héritière de Meillant, qu’elle lèguera en 1837 à sa nièce Virginie de Sainte-Aldegonde (1789-1878), épouse de Casimir de Rochechouart (1787-1875), duc de Mortemart, etc…).

Le duc et L’Émile s’arrêtent à la chapelle du prieuré Sainte-Catherine. Autrefois, les jeunes filles désireuses de se marier et d’avoir des enfants venaient prier là : Sainte- Catherine d’Alexandrie. Aujourd’hui, la prière est animée par don Ghislain et sœur Françoise.

L’Émile vous donne rendez-vous pour la suite des entretiens et dialogues avec le Duc

5 réflexions sur “L’Émile et le Duc

    1. Merci à vous ! L’Emile a une passion pour ce grand philanthrope qu’était Monsieur Armand-Joseph de Béthune Charost. Il a tellement fait pour le Berry et Meillant…
      L’Emile a tant dialogué avec lui, qu’il y aura une suite 🙂

      J’aime

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