L’Émile et le Duc – 2/4

Portraits

Dialogues et Entretiens

Armand-Joseph de Béthune-Charost 

2èmes Dialogues et Entretiens

Vie professionnelle

Où la fiction rejoint la réalité.

L’É. – Tu peux nous dire comment tu as occupé tes journées ? Tu as été militaire ?

B-C. – Oui. À 18 ans, je suis parti au combat, dans ce que l’on appellera « la guerre de Sept Ans (1756-1763) », première guerre à l’échelle mondiale. Je te rappelle que ce conflit oppose la Grande-Bretagne, la Prusse et Hanovre à la France, à l’Autriche, à la Suède, à la Saxe, à la Russie et, finalement, à l’Espagne. Et il se déroule aussi en Amérique et en Inde !

J’ai été très touché par la misère des soldats dans et après les combats. C’est la raison pour laquelle, sur mes fonds personnels, j’ai établi un hôpital militaire à Francfort (Allemagne), qui sauva, dit-on, quatre mille (4000) malades ! 

L’É. – D’après tes citations, tu as été distingué « par (ta) bravoure et (ta) présence d’esprit, notamment au siège de Munster » (en Westphalie) et tu « obtiens la sympathie de tous ceux qui (te) côtoient »

B-C. – En 1758, alors que la France traversait une « disette d’argent », j’ai fait don à « la Monnaie » de toute mon argenterie pour qu’elle soit fondue et transformée en pièces sonnantes et trébuchantes.

En 1765, lorsque je rachète au comte de la Marche, la seigneurie d’Orval et de Saint-Amand-Montrond, je fais ériger un Belvédère sur la hauteur de Saint-Amand-Montrond.

L’É. – Si tu veux bien, nous parlerons plus tard de ce Belvédère … Que veux-tu encore nous révéler de tes réalisations ?

B-C. – Eh bien, j’ai possédé et fait fructifier des domaines considérables en Berry, en Bretagne et en Picardie.

(Aujourd’hui, en 2020, ces territoires couvriraient plusieurs dizaines de milliers d’hectares de terres, prés, étangs et bois. NDLR). 

  • bien avant 1789, sur mes propres terres, j’ai aboli la corvée seigneuriale, les banalités, le droit de minage (droit prélevé sur les grains vendus au marché). J’ai également rendu à mes vassaux ce qu’ils avaient payé indûment soit à moi-même soit à mes aïeux,
  • à Ancenis (Bretagne), j’ai fondé des ateliers pour les anciens soldats… j’ai pensionné de pauvres officiers, établi des écoles pour les jeunes et creusé des routes à travers la Bretagne (ainsi d’ailleurs qu’en Berry),
  • constatant la détresse des femmes en couches, j’ai créé des institutions de bienfaisance pour elles, ainsi que pour les orphelins et les agriculteurs ruinés par l’incendie ou la grêle, 
  • en Picardie, j’ai établi des prix pour la culture du coton, le dessèchement des marais et la guérison des épizooties, 
  • dans le Midi, j’ai amélioré la construction des moulins à vent, l’exploitation des forges et la culture des prairies artificielles, 
  • en Berry qui m’est si cher, j’ai introduit la culture du lin, celles de la rhubarbe et de la garance (dont on extrait un colorant rouge) et du tabac. J’ai protégé, avec ardeur, la culture des prairies artificielles, du colza, du mûrier (pour la sériciculture).

Le duc et L’Émile s’arrêtent un moment, Avenue de Dun, chez Anne et François pour constater l’avancement des travaux sur le colombier aux 26 rangs de soixante boulins : soit 1560 boulins !

Dans le ciel, un vol de grues lance de vigoureux « grau – grau ».

B-C. – À Meillant, ma résidence préférée, j’ai fondé un hôpital pour la région ; il a cessé de fonctionner de 1793 jusqu’à ma sortie des geôles révolutionnaires.

Ancien hôpital de Meillant – photo Ghislain de Beauregard

J’ai créé des caisses de secours en cas d’inondation. Dès 1768, j’ai offert à 30 personnes nécessiteuses, une cure à l’hôpital des eaux thermales de Bourbon-l’Archambault (Allier), (fondé par mes grands-parents).

  • là où nous sommes, à Meillant donc, j’ai créé une Société d’agriculture, j’ai installé des fermes modèle et j’ai perfectionné la race ovine berrichonne par des croisements avec les mérinos (c’est une race ovine originaire d’Espagne), 
  • toujours à Meillant, j’ai fait construire des forges et un haut-fourneau a été érigé, pratiquement dans l’enceinte du château ! Un autre a été implanté à Champange, à proximité de la route d’Uzée (Uzay-le-Venon). En 1755, j’ai signé un bail avec Jean-Louis Maulgué et ses financiers pour les forges de Meillant et Mareuil. Les lingots de fer extraits de mes forges sont d’une excellente qualité, et servent à la fonte de boulets de canon. Le fer est extrait des forêts, le bois de chauffe est produit dans les forêts par les maîtres charbonniers (entraînés par la musique des Maîtres sonneurs…)***. L’eau a été domestiquée et canalisée autour de Meillant ainsi qu’à Mareuil,
  • j’ai monté des filatures munies de jennys importées d’Angleterre, par mes soins, un atelier de charité fut établi à Ancenis. 

À Versailles, en 1770, j’ai proposé à l’abbé Terray, contrôleur général des finances de Louis XV, un plan pour rembourser la dette publique, mais on le repoussa, parce que mon plan donnait à l’industrie une prééminence sur les autres intérêts. 

Modestement, je dois rapporter ici les mots de notre bon roi Louis XV (1710-1774) à mon sujet :

« regardez cet homme : il n’a pas beaucoup d’apparence, mais il vivifie trois de mes provinces. »

À l’Assemblée provinciale du Berry, où je n’ai été nommé qu’en 1778, j’ai conçu dès 1780 les projets de canalisation qui ont été exécutés depuis en Berry : le fameux « canal de Berry ».

(Le canal de Berry, qui compte 321 kilomètres de longueur, devait avoir la largeur des canaux de grande navigation, mais une ordonnance royale le réduisit aux dimensions d’un canal à petites écluses).

photo Nathalie Tiennot / Agence Denatt

Envoyé à l’Assemblée de notables, en 1788, je me suis prononcé pour l’égale répartition de charges publiques sur toutes les classes. 

Par Lettre du 24 janvier 1789, le roi Louis XVI convoque les états généraux ; à Bourges, la noblesse, grâce à mon « influence libérale », je peux le dire, propose certaines réformes importantes désirées par le Tiers (en vue de la convocation à Versailles pour le 27 avril 1789). Entre autres, l’égalité des poids et mesures dans toute la France. Hélas, dès le 26 mars, la noblesse m’a écarté de la députation à cause de mon libéralisme !

Il m’a intéressé de connaître et d’analyser les philosophes de mon époque : Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau, d’Alembert, Beaumarchais, Sade… 

J’ai toujours eu la passion du bien public, une grande sensibilité à mon prochain, l’amour du genre humain (ce que l’on nomme philanthropie). J’ai toujours cherché à faire le bien simplement, sans affectation et je n’ai jamais tiré vanité des services rendus.

Vers 1772, (je ne me souviens plus de la date exacte), j’ai écrit, à l’attention des curés des paroisses de mes terres, des instructions particulières et très précises pour prendre soin, avec mon assistance, d’abord des vieillards et des infirmes, ensuite des malades, puis des orphelins et aussi des familles nombreuses, et encore des pauvres valides et enfin des malheureux par accidents. Ceci a été depuis complété par ce souhait : « Nous voudrions en plus que les enfants dans chaque famille viennent en aide à leurs parents, selon leurs moyens, … »

S’il faut quelques mots pour me cerner, je dirais que je suis un chrétien, ni dévot ni libre penseur, mais convaincu que la religion me porte à aimer les hommes et à œuvrer à leur bonheur.

Le duc et L’Émile, sur le chemin vers la bibliothèque avec Sabine (une mine pour Meillant), marquent une pause devant la Baillite où Aline reçoit ses inspirations artistiques.

Pour relire le premier dialogue C’EST PAR ICI

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