Armand-Joseph de Béthune-Charost
3èmes Dialogues et Entretiens
Au temps de la Révolution
Où la fiction rejoint la réalité.
L’É. – Notre bon père, tu veux bien qu’on évoque la période de la Révolution ?
B-C. – Le 13 germinal an II (2 avril 1794), moi, « ci-devant duc Béthune-Charost », je suis arrêté au château de Meillant (tu t’en souviens ?), puis emmené à Paris, où je suis écroué, le 17 germinal, à la prison de La Force.


Peu après, j’ai écrit une lettre non datée qui est arrivée à Meillant le 8 floréal (27 avril 1794). Dans cette lettre, je demande aux officiers municipaux un certificat de résidence, et j’ajoute :
« Je vous demande de vous concerter avec l’agent national de la commune, celui du district et le district … J’attends que vous voudrez bien me rendre justice dans ce moment où votre suffrage, appuyé du district ou comité révolutionnaire et de la société populaire qui connaissent et ont surveillé ma conduite contribuera sans doute efficacement à mon bien être dans l’examen des détenus pour mesure de sécurité générale qui va être effectué. Salut et fraternité. Béthune-Charost ».
J’ajoute en post-scriptum : « Je ne demande que vérité et équité ».
(NDLR : Le certificat de résidence est envoyé immédiatement ; il donne le signalement de Béthune-Charost, âgé de « cinquante-cinq ans et neuf mois, taille de cinq pieds un pouce (1,65 m), cheveux et sourcils bruns, visage rond, front chauve, yeux bleus, nez long, bouche petite et menton rond ».)
L’É. – Il est déplaisant de déflorer une belle histoire … On a écrit que Béthune-Charost fut « conduit à la prison de Saint-Amand, mais que les habitants du village de Meillant allèrent en masse l’y chercher et le ramenèrent dans son antique manoir ».
On le dit encore. Hélas, la vérité est assez différente.
(NDLR : C’est seulement le 3 fructidor (20 août 1794), soit quatre mois après réception de sa lettre et un mois après la mort de Robespierre sur l’échafaud, que les Meillantais se présentant à la mairie, font son éloge et demandent qu’il soit jugé promptement.)
Et c’est huit jours plus tard, le 11 fructidor, que la requête officielle est rédigée et envoyée au comité de sûreté générale de Paris. Joseph Péron est l’un des signataires.
Paris hésite à croire le contenu de la requête et écrit au district de Saint-Amand-Montrond pour qu’il en vérifie l’exactitude. Enquête faite, Saint-Amand-Montrond non seulement confirme les déclarations des Meillantais, mais les développe.
Pourtant ce sera seulement le 19 pluviôse an III (7 février 1795) qu’un arrêté du comité de législation rayera définitivement Béthune-Charost « de toutes les listes d’émigrés où il avait pu être porté ».
Et c’est deux mois et demi plus tard qu’il revient à Meillant.
Le 5 floréal an III (24 avril 1795), soit 13 mois après son arrestation, « le citoyen Armand-Joseph Béthune-Charost cy-devant duc et maréchal des camps et des armées de la république » et Henriette-Adélaïde-Joséphine Sourches-Tourzel, son épouse peuvent enfin revenir à Meillant. Le 25 prairial, ils seront suivis par leur belle-fille « Maximilienne Augustine Henriette Béthune-Sully, veuve Béthune-Charost, domiciliée en la commune de Neuilly, département de Paris, district de Franciade ».
Le duc et L’Émile passent devant le bureau de la Poste, avec une pensée pour le braquage qui a lieu ici le mardi 24 mai (en quelle année, déjà ?)
L’É : Et le 24 floréal (12 juin 1795), lorsque tu te présentes devant la municipalité, que déclares-tu ?
B-C. – Je déclare mon « intention, conformément à la loi (de Robespierre) sur la liberté des cultes, de suivre dans ma maison le culte catholique, en me conformant aux dispositions de la loi, et pour que la réunion de ceux de ses concitoyens qui profiteraient de cette facilité pour user du même droit, et qui savent comme lui qu’un des devoirs du chrétien est d’obéir aux lois, comme c’en est un autre d’aimer ses semblables comme soi-même et de contribuer de tout son pouvoir à leur bien et à la prospérité publique, donne toujours le spectacle d’une réunion paisible et tranquille et ne puisse jamais les en accuser, j’invite le maire et les officiers municipaux, et l’agent national à concourir par leur sagesse et leur surveillance à assurer ce but salutaire ».
(NDLR : Le lendemain, le citoyen Jacques-Auguste Greffin se présente en mairie et déclare que, « voulant répondre aux vœux du citoyen Béthune-Charost qui l’a choisi pour exercer le culte dans sa chapelle » il fait auparavant la présente déclaration et promet de se soumettre toujours aux lois de la République.)
Jacques-Auguste Greffin, fils de Pierre Greffin et de Marie Ledard, est né le 14 août 1741 à Gray-sur-Mer, Calvados, et a fait profession religieuse le 3 novembre 1774 au couvent des Carmes de Caen. Au début de la révolution il est sacristain aux Carmes de Saint-Amand. Après la suppression des vœux monastiques, il avait déclaré par écrit, « Je soussigné déclare que ma dernière volonté est de ne plus continuer la vie commune et de sortir du cloître, restant dans le district de Saint-Amand, département du Cher. À St.Amand, le 14 janvier 1791. Jacques-Auguste Greffin« .
Le 12 prairial (31 mai 1795), Jacques Greffin quitte Saint-Amand et établit son domicile à Meillant, où il reste jusqu’à sa mort, c’est-à-dire pendant 20 ans.
Avec la venue de Greffin se termine une longue période d’un an et trois mois, pendant laquelle les Meillantais ont été complètement privés des secours de la religion.
Le duc et L’Émile s’en vont tranquillement par la rue du Par. Ils saluent en passant Isabelle et Frédéric. Le duc a réservé une surprise à L’Émile : un léger cabriolet, attelé à Jason, les attend.

Épilogue
Armand-Joseph de Béthune, dit d’abord « Marquis de Charost » puis «Duc d’Ancenis» (1739) et enfin « Duc de Charost » (1747), né le 1er juillet 1738 à Versailles, est décédé le 27 octobre 1800 (5 brumaire an IX) à Paris, âgé de 62 ans. Il est inhumé à Meillant dans la chapelle du château : 3000 personnes assistent à son enterrement. Sa vie et sa fortune furent consacrées à la bienfaisance et à la fortune de son pays ; certains l’appellent même : « Père de l’humanité souffrante ».
Duc de Béthune-Charost et d’Ancenis, Pair de France, baron d’Ancenis, Président-né de la Noblesse aux États de Bretagne, seigneur d’Orval et de Saint-Amand-Montrond (ancienne terre des Béthune rachetée au comte de la Marche en 1765), baron d’Épineuil-le-Fleuriel et Charenton-du-Cher, seigneur de Meillant, Mareuil-sur-Arnon et La Croisette (Chezal-Benoît) en Berry, Roche-la-Molière en Forez (à proximité de Saint-Étienne, et où Armand-Joseph de Béthune-Charost va exploiter de 1765 à 1772 à l’aide de mineurs qu’il fait venir de Valenciennes, les mines de charbon), Lieutenant-Général en Picardie et Boulonnais, Gouverneur de Calais, Fort-Nieulay (janvier 1756) (fort de Vauban défendant l’accès à Calais), colonel aux Grenadiers de France (1er avril 1756), mestre de camp d’un régiment de cavalerie à son nom (auparavant d’Egmont, 4 mars 1757, incorporé ensuite au régiment Royal-Étranger), mestre de camp au régiment de cavalerie du Roi (1er décembre 1762), Brigadier des Armées (4 novembre 1766), Maréchal des camps (3 janvier 1770).
Armand-Joseph de Béthune-Charost a été élu maire du X ème ancien arrondissement de Paris en 1799 (ce X ème ancien arrondissement équivaut pratiquement, en 2020, au VIIème et une partie du XVème arrondissements de Paris). Il est décédé après avoir contracté la petite vérole, en allant visiter les sourds-muets malades de la petite vérole, dans un hôpital de son arrondissement dont il est administrateur.
La petite vérole (ou variole) reste une maladie très contagieuse. Elle se manifeste dans un premier temps par des symptômes similaires à ceux de la grippe : forte fièvre, maux de tête et difficultés respiratoires. Ensuite, le malade est pris de vomissements et ressent d’intenses douleurs musculaires, notamment dans la nuque. Des crises de délire lui font perdre la raison par intermittence. Enfin, l’éruption de pustules sur le corps, surtout sur le visage, le cou et les membres, permet de confirmer le diagnostic… Maladie d’abord repoussée par inoculation, ce n’est qu’ au XIXème, qu’on pratiquera la vaccination.
Les Béthune habitaient à Paris au 39 rue du Faubourg Saint-Honoré, dans un bel hôtel particulier. Depuis 1814 cet hôtel abrite l’ambassade de Grande-Bretagne, entre le Palais de l’Élysée et l’ambassade des États-Unis d’Amérique, avec un très grand jardin (4000 m² pour les garden-party) vers les Champs-Elysées.

Armand-Joseph de Béthune-Charost, maire du Xème ancien arrondissement de Paris, résidait depuis 1747 dans l’actuel VIIème arrondissement, l’hôtel de Seignelay, 80 rue de Lille, qu’il avait acheté en 1747 aux Colbert. Cet hôtel est maintenant propriété de l’état français ; il a abrité, à plusieurs reprises, différents ministères.
Le duc et L’Émile, dans le léger cabriolet tiré fièrement par Jason, rejoignent le Petit Paris où Nathalie a fait un bon feu avec des bûches qu’elle a sciées elle-même. Elle a également préparé du thé. Sandrine de la Cour des Thés a apporté de nombreuses pâtisseries de sa façon car le duc et L’Émile sont très gourmands ; rien ne peut leur faire plus plaisir. Et tous contemplent un superbe coucher de soleil.



Vive « Oh Meillant » !
Sur son tombeau dans la chapelle du château de Meillant, Monsieur le duc de Mortemart a fait graver :

CI-GÎT
ARMAND-JOSEPH DE BÉTHUNE,
DUC DE CHAROST,
DERNIER DE SON NOM.
SOLDAT OU CITOYEN,
IL FIT BENIR SON NOM, ADMIRER SON COURAGE
MAGISTRAT, GRAND SEIGNEUR, EN TOUT LIEU, A TOUT ÂGE,
IL NE FIT QUE DU BIEN.
Annexe
Éloge funèbre prononcé le 12 brumaire an IX (3 novembre 1800) par le citoyen Josset, maire de Saint-Amand-Montrond, devant la dépouille mortelle d’Armand-Joseph Béthune-Charost.
Citoyen Maire,
Nous sommes informés que la commune de Meillant possède la dépouille mortelle du citoyen Béthune-Charost, son esprit et sa mémoire appartiennent à l’immortalité.
Nous venons nous réunir à vous pour honorer la mémoire de cet homme vertueux, de ce philanthrope estimable, dont l’âme sensible ne sut jamais jouir que du bien qu’il pouvoit faire à son semblable.
Comme habitants de Saint-Amand, nous pleurons l’administrateur éclairé dont nous savons que plusieurs des grandes vues se trouvoient liées aux intérêts de notre commune.
Comme citoyens, nous honorons l’homme à qui le Gouvernement avoit donné plus d’un témoignage de sa confiance.
Comme hommes, nous versons des larmes amères sur la tombe d’un des plus dignes amis de l’humanité.
Belle histoire …!!
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